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ARTICLES, ENTRETIENS ET INTERVIEWS SUR LA CULTURE BERBERE

18 Jul

Entretien avec le poète, romancier et journaliste Rabah BENAMGHAR

Publié par ahcene mariche

Entretien avec le poète, romancier et journaliste Rabah BENAMGHAR

Entretien avec le poète et journaliste Rabah BENAMGHAR

1-Présentez-vous à nos lecteurs

Que c’est dur de se présenter ! Je suis un authentique montagnard. Né dans la région des Iflissen en Kabylie maritime, j’ai fait mes études primaires dans mon village avant d’aller au collège de tigzirt et ensuite rejoindre le lycée polyvalent de tizi ouzou. Victime des l’arabisation aveugle, j’ai échoué au bac en 1985. Et c’est comme ça que j’ai quitté les bancs de l’école pour la vie active. Je suis à mi-chemin entre l’ancienne et l’actuelle génération. Je n’ai pas fait les choix de ma destinée. Je n’appartiens pas à l’élite comme on dit mais à la plèbe. Je suis bien à ma place et je compte rester là jusqu’à la fin. L’avenir sait ce qu’il nous réserve comme surprises mais pas nous. Il faut juste se laisser guider par le destin.

2-Vous venez d’éditer un recueil de poésie en langue française et en France. Pouvez-vous nous en parler de ce nouveau né ?

On dit bien que le hasard fait bien les choses. Je n’ai jamais pensé un jour publier un livre. J’écrivais juste pour moi dans le noir de mon existence. Même mes proches ne savaient pas que j’écris. Un ami m’a surpris par hasard entrain de lire ma propre poésie et c’est lui qui m’a poussé vers l’antichambre de l’édition. A chaque fois que quelqu’un voit mon travail, il insiste pour que je le mette à la disposition des lecteurs. Une fois un ami m’a dit ceci : « tu n’as pas le droit de garder ça pour toi ». J’avoue que je n’ai jamais cru en moi ni en ce que j’écris.

3-Vous écrivez des poèmes rimés et en prose en langue française et même en kabyle. Comment voyez-vous l’inspiration qui s’invite à vous dans les deux langues ?

Pour dissiper les malentendus et les amalgames, je tiens à préciser que je ne suis pas un grand lecteur de la poésie académique. Je suis quelqu’un qui lit tout ce qui lui tombe entre les mains. Je lis la poésie de Verlaine, de Rimbaud, Victor Hugo mais sans trop de philosophie. J’apprécie juste la beauté du verbe à travers les œuvres poétiques de ces auteurs. Un point c’est tout. je ne m’attarde pas sur la critique et l’étude du texte à proprement dire. Si les gens trouvent des approximations entre ce que je produis et des auteurs connus ou non, c’est le produit du hasard.

Quand à la poésie en kabyle, c’est juste pour ma fierté de montagnard. J’appartiens à une culture et je me dois de l’honorer. J’ai un recueil en kabyle que j’éditerai au moment opportun.

4-A quand remontent vos débuts dans la poésie ?

L’envie m’a titillé à mon adolescence. Très exactement au lycée. Mais comme je l’ai déjà dit, c’était juste pour moi. Je gardais jalousement mes écrits. Il m’arrivait de les déchirer après un certain temps.

5-Votre recueil « les rots de l’amertume » porte bien son titre vu les sujets traités. Est-ce que ces poèmes vous les avez cueillis spécialement ou vous les avez teinté de votre choix ?

Le choix du titre est venu spontanément. Au début, j’ai choisi de titrer mon recueil autrement mais ce dernier s’est imposé de lui-même.

Cela reflète peut-être la thématique amère de ma poésie. J’ai beau cherché à être positif mais le dégoût et le désespoir me rattrapent dés les premiers vers. Il n’y a pas de choix au préalable dans ce que je fais. J’essaie juste de matérialiser ce que je ressens et ce que je vois dans mes pensées.

6-En plus de la poésie vous êtes fonctionnaire dans l’éducation, journaliste reporter et père de famille. Comment arrivez-vous à gérer votre temps et vos responsabilités respectives ?

J’avoue qu’au début, lorsque je faisais ça que pour moi, les choses n’étaient pas compliquées. Mais aujourd’hui que les choses deviennent publiques, la pression va crescendo. Pour le moment donc je ne gère pas, je laisse les choses se faire d’elles-mêmes. J’aimerai bien rester moi-même. La paresse est une qualité ou si vous voulez un défaut qui me colle à la peau. Je ne sais pas si je pourrai un jour me défaire de ça. Je n’ai jamais demandé à être journaliste ni à être poète. Se sont des passions que je vis avec beaucoup de plaisir.

7-La mer a toujours été votre inspiratrice vous qui habitez à Iflissen, vous êtes aussi un apiculteur et vous êtes l’ami de la nature. Ces deux passions ne sont elles pas à l’ origine de votre passion pour les mots ?

Ah la mer ! La mer pour moi est une invitation au voyage vers l’inconnu. La mer est une vaste étendue qui peut être salvatrice comme elle peut être l’enfer des rêves mal pensés. J’ai vecu des moments très difficiles ces dernières années, alors, le sport, l’apiculture et l’écriture sont venus comme une thérapie aux bouleversements survenus.

8-Nous avons remarqué que dans le corps de l’éducation il ya plusieurs fonctionnaires qui apportent un grand plus grâce à leurs passions : écritures, arts, sports, cinéma, journalisme en plus de leur fonction pédagogique ou autre.. Pourtant la tutelle ne donne pas d’importance à cet apport considérable. Qu’en pensez-vous ?

Oui. Chez nous l’éducation est l’institution qui broie ses bonnes graines pour n’en faire qu’une vulgaire poudre aux yeux de l’opinion. Ceux qui gèrent l’éducation chez nous vivent dans la hantise de se faire surpasser par ceux là même qu’ils diabolisent. L’article 120 y est pour beaucoup dans cet état de fait. La règle qui dit qu’un élève peut dépasser le maître intrigue nos responsables. Et c’est valable pour tous les secteurs. Ils se croient tuteurs de générations entières.

9- Malgré ce qui se dit sur le livre et surtout la poésie, on ne lit plus. Le livre ne se vend pas…

Vous avez décidé d’éditer un recueil de poésie. Est-ce un rêve à réaliser ou un défi à tenir ou bien autre chose ?

Quoi dire ? Les deux leitmotivs sont justes. Un rêve et un défi à la fois. Un seul des deux ne suffit pas pour aller de l’avant. Quand au livre qui ne se vend pas, la raison il faut la chercher du coté du prix de ce dernier. Les gens ont le choix entre manger ou lire et le choix est vite fait. Je crois !

10-Quel sont vos thèmes favoris dans l’écriture, ou bien vous êtes dociles à ce que vous dicte CLIO ?

J’ai n’ai pas de thèmes favoris. J’écris juste ce qui me vient à l’esprit au moment où je prends mon stylo. Mais je crois que c’est l’environnement dans lequel nous évoluons qui réveille nos muses. On n’échappe pas à notre espace vital. Quand à Clio, j’espère qu’elle continuera à protéger ma poésie et m’aider à continuer à créer. Les muses sont toutes les bienvenues.

11-Quels sont les poètes qui vous ont marqué et que vous continuez à apprécier jusqu'à ce jour que ce soit en kabyle ou en français?

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, les poètes qui m’ont plutôt subjugué plus qu’inspiré sont les grands poètes arabes d’el jahilia à l’image de Antar , imra el qais etc… quand aux contemporains , je citerai jacques Brel que je considère comme le plus talentueux. Quant aux poètes kabyles qui m’inspirent, il y a Si Muhand U mhand, youcef uqaci et tant d’autres contemporains. Sinon ma propre vie inspire mieux que toutes les muses. C’est la misère et la souffrance qui poétisent les mots et les rendent attirants.

12- En tant que journaliste vous avez déjà interviewé et écris sur pas mal d’auteurs, ceci dit vous êtes au courant des embuches à rencontrer et malgré tout vous avez fait le pas avec beaucoup d’enthousiasme. Où réside le secret ?

J’ai le choix entre faire ou ne pas faire. La résignation n’a guerre été un atout gagnant. Le journalisme que j’ai découvert récemment m’a juste aidé à me décomplexer et à affronter le clair du jour. Pour tout vous dire, j’écris de la poésie sans me considérer poète et je fais du journalisme sans me prendre pour un journaliste. Je ne suis pas le fruit des grandes écoles mais plutôt le fruit d’une vie compliquée.

13- Apres ce beau cadeau pour les amoureux de la poésie, pouvez-vous nous parler de vos projets ?

Il faut laisser les choses arriver d’elles-mêmes. Moi je crois qu’il ne faut pas trop forcer le destin mais plutôt y croire seulement. Mais je peux vous dire d’ores et déjà que j’ai un autre recueil fin prêt en français et un autre en Tamazight. J’espère pouvoir y arriver un jour à les publier. Ecrire un roman aussi me ferai beaucoup de bien. Je m’y attelle avec précaution.

14- Un dernier mot ?

J’espère faire le bon choix en décidant de faire partager ma passion sinon je dirai que j’ai essayé. Un match n’est jamais gagné d’avance et c’est pour ça qu’il faut toujours le jouer. Je terminerai en faisant mienne cette citation : « il n’ ya pas d’œuvre non intéressante, il n’ya que des gens non intéressés ». j’espère que mon travail intéressera quelques-uns de ceux qui le croiseront.

Entretien réalisé par Ahcene Mariche

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